Le pédalage : à la recherche du mouvement le plus efficace

Si on insiste autant sur la question du pédalage qui est en quelque sorte le cœur de la pratique du vélo, c’est parce que justement, à vélo, c’est la chose la plus importante. Non seulement, il faut pouvoir pédaler correctement , efficacement mais en plus, par une préparation physique adaptée, il faut se donner les moyens de gérer musculairement les conséquences de longs moments passés à pédaler.

C’est pourquoi, dans cet article, on va tenter d’identifier les muscles actifs durant les séquences de pédalage pour proposer, ensuite, quelques clefs permettant d’ouvrir les portes à une préparation physique réellement adaptée aux besoins du cycliste.
Mais, avant d’aller plus loin, nous allons revenir sur les structures qui mettent en mouvement les différents membres, car, pour bien comprendre le corps en mouvement, il est nécessaire de préciser certains points.

Les muscles en action

Dans un livre très surprenant qu’il coordonne, LE MUSCLE nouveaux concepts, éditeur Sauramps médical, 2009, le professeur François BONNEL revient sur les conceptions historiques de la description anatomique des muscles pour mettre en évidence la participation de structures qui n’ont jamais fait l’objet d’aucun développement dans les traités d’anatomie de grande diffusion.

Le rôle des aponévroses.

Les fibres musculaires sont isolées les unes des autres par des tissus conjonctifs. La réunion de ces structures constitue les fascicules musculaires qui s’implantent directement ou obliquement sur les aponévroses comme les barbes d’une plume sur leur tige commune. Si le rôle des fibres musculaires est de produire des contractions, le rôle de ces structures conjonctives se réunissant sur l’aponévrose est de transmettre le mouvement des unités musculaires au tendon qui est l’organe de transmission. Si le tendon s’insérait directement sur les fascicules, il s’en suivrait une rupture lors de la contraction musculaire. L’aponévrose, mise en tension, emmagasine une force qui, lors de l ‘arrêt de la tension, retrouve sa longueur initiale et restitue l’énergie emmagasinée lors de la mise en tension. 

pédalage

La pennation

L’angle d’insertion des fascicules musculaires sur l’aponévrose joue un rôle dans le fonctionnement du muscle. Plus l’angle de pennation est aigü, plus il délivre de force.

Des travaux conduits par L.GREGOIRE (1984) ont montré la puissance du transfert de force entre la partie haute des membres inférieurs et la partie basse par l’intermédiaire de deux aponévroses situées à la fois sur la face postérieure du muscle droit de la cuisse et au coeur des muscles du mollet (gastrocnémien). Ces structures élastiques sont en mesure de concentrer une force importante et de la transporter avant de la restituer à la pédale. La maîtrise de cette concentration d’énergie permet de ralentir les vitesses angulaires des articulations de la hanche et du genou. :

Comprendre le mouvement de pédalage

Le mouvement de pédalage est la conséquence de la succession de deux mouvements des membres inférieurs : l’extension et la flexion. On peut diviser le cycle du pédalage en quatre temps ou phases. 

Phase 1 du mouvement de pédalage : l’extension de la jambe de 45° à 145°

Du point de vue moteur, ce premier temps est le plus important : le membre inférieur s’allonge sous l’effet de l’action de l’extension des trois articulations qui entraîne la descente de la pédale en avant de l’axe du pédalier.

De nombreux muscles participent à cette phase de poussée. Trois muscles principaux fournissent jusqu’à 70% de la puissance totale du mouvement de pédalage : le grand glutéal (Grand fessier), le quadriceps et les ischio-jambiers. Ce sont des muscles puissants en raison de leurs caractéristiques anatomiques (volume), structurelles (orientation des fibres) et de leurs propriétés mécaniques (amplitude articulaire).

  • Le Grand glutéal (grand fessier) : son activité est maximale à 45° pour décroitre régulièrement jusqu’à 135°. Elle est réduite jusqu’à 165° tout en restant actif. Ce qui tend à montrer qu’il joue un rôle plus globale dans l’économie du  mouvement général.
  • Le quadriceps : l’activité du quadriceps est à son plus haut à 45°, décroissante jusqu’à 135°, inexistante jusqu’à 165°. Le droit fémoral maintient une faible activité de 135° à 165°, en raison de sa fonction d’antagoniste des ischios jambiers qui prennent le relais pour favoriser la fin du mouvement d’extension de la hanche. 
  • Les ischio-jambiers interviennent dans l’extension de la hanche. Entre 45° et 165°, leur activité est importante, très forte aux environs de 90°. Plus modérée entre 90° et 165° mais suffisamment intense pour prendre le relais du grand glutéal et du quadriceps dont les activités chutent radicalement entre 90 et 165°. Il faut pourtant modérer leur rôle dans l’apport de force entre 45° et 90° sachant que ces muscles ne développent qu’un tiers de la puissance des quadriceps.
  • Les muscles de la cheville : entre 100° et 165°, on observe une activité importante des extenseurs de la cheville. Ce qui tend à accréditer l’idée qu’il y a un lien fonctionnel entre l’extension du genou et la flexion plantaire. Non seulement la puissance produite par l’extension du genou se transmet aux muscles de la jambe (principalement les muscles gastrocnémiens) mais, en plus, la création de cette puissance n’est possible que si la flexion plantaire est forte. On relève d’ailleurs une activité importante du tibial antérieur sur la plage de rotation 45°-165° qui semble montrer son importance dans le maintien d’un pied à plat sur la pédale. 

Le passage critique bas : 165° à 210°

Du point de vue moteur, ce premier temps est le plus important : aux environs de 165°, l’extension du membre inférieur est complète et semblerait correspondre à une valeur 0 de la force d’extension. A ce moment-là, le risque est grand de perdre toute l’énergie créée par la phase précédente. On observe une rupture de l’activité motrice qui donne l’impression de “pédaler carré”. Deux muscles principaux vont agir de concert pour permettre de passer cette zone critique. 

  • Les muscles de la cheville : ils ont emmagasiné l’énergie provenant de l’extension de la hanche et du genou, ce qui permet de passer le point bas de l’extension du genou. A ce moment-là, les extenseurs de la cheville et les fléchisseurs du genou prennent le relais pour passer le point mort de l’extension de la hanche. Le pied, le plus à plat possible, exerce une force tangente au cercle de rotation de la pédale. On observe d’ailleurs l’activité intense du tibial antérieur qui s’oppose à l’extension de la cheville. 
  • Les 3 chefs des ischio-jambiers accompagnent la pédale jusqu’au point mort de l’extension de la hanche.

La phase postérieure : 210° à 345°

La pédale remonte en arrière par l’action de flexion des 3 articulations. Cette phase est beaucoup moins efficace que l’extension en raison de la différence de puissance entre fléchisseurs et extenseurs. De fait, la pédale se laisse remonter par l’homologue controlatéral en phase de poussée. Il faut signaler que le rôle de cette jambe est subtil. Passive, elle devient un poids mort pour l’autre membre qui doit faire un effort supplémentaire pour l’emmener. Trop active, elle exerce une résistance indésirable. L’enjeu est d’alléger, comme il se doit, la jambe pour que cette phase s’inscrive dans la continuité des précédentes et prépare le moment suivant. 

  • Les muscles de la cheville : les extenseurs conservent une activité qui se réduit à mesure où la flexion du genou se termine. Une activité qui peut s’expliquer par l’activité des jumeaux, muscles bi articulaires. Entre 270° et 345°, leur activité est inexistante. 
    Par contre, dans les angles étudiés, le tibial antérieur est très actif. Muscle mono articulaire, il permet de maintenir le pied à plat par son action de flexion de la cheville et d’apporter ce surcroît de force permettant d’assurer la continuité du mouvement. 
  • Les fléchisseurs de la hanche : dans cette plage, c’est principalement le droit antérieur, chef bi-articulaire du quadriceps, qui est actif. Le psoas-iliaque intervient plus sûrement pour stabiliser le bassin et permettre le travail du droit antérieur. Leur rôle dans la création de force est réduit, en raison, principalement, de la position assise peu favorable à la production de force. Les fléchisseurs ont sûrement un double rôle à jouer : 
    • apporter un surcroît de force au  moment où le membre controlatéral arrive dans une phase de motricité moins active. Il faut rappeler que les fléchisseurs de hanche sont antagonistes des ischio-jambiers qui interviennent sur le membre opposé en fin de mouvement d’extension de la hanche.
    • assurer la stabilité du bassin. 

La phase critique haute : 345° à 45°

A ce point, la flexion des trois articulations est à son maximum. La continuité du mouvement doit mettre les articulations en position favorable pour la triple extension. La hanche doit être particulièrement mobile pour à la fois permettre un surcroît de flexion tout en assurant la disponibilité des extenseurs pour la suite du mouvement. 

  • Les fléchisseurs de hanche : la flexion de la hanche est en fin de course, le genou en position la plus haute. Le point critique est franchi grâce à une fin de flexion du droit antérieur. 
  • Le tibial antérieur accompagne le mouvement dans un dernier effort. 
  • Les quadriceps : le droit antérieur est réellement le muscle moteur du passage du point critique haut. Dès le début de cette phase, les quadriceps entrent en jeu progressivement pour atteindre leur activité maximale une fois passé le point le plus haut du mouvement de pédalage préparant ainsi l’extension du genou. 

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