La microaventure va devenir un concept majeur de la pratique du vélo en France. On s’éloigne de la compétition pour se diriger vers une pratique décomplexée du vélo, un art de vivre.
C’est peut-être le livre le plus fascinant qui n’ait jamais été écrit : l’Odyssée d’Homère. Ce texte, écrit aux environs du 8ème siècle av-JC, raconte le retour d’Ulysse après la guerre de Troie vers son île d’Ithaque dont il est roi.
L’aventure, une leçon de vie
Ce voyage dure 10 ans alors qu’il suffisait de traverser un bras de mer, celle d’Egée. Il ne fallait pas énerver Poséidon, c’est la leçon. Après avoir lu les 512 pages de cette aventure, on a des difficultés à savoir ce qui est le plus important : le départ, les épisodes que vit Ulysse ou son retour.
L’aventurier moderne
Mike Horn est aventurier, son métier. A ce titre, il parcourt les zones les plus hostiles du monde. Ulysse voulait rentrer chez lui, le plus vite possible ; les aventuriers des temps modernes relèvent des défis ce qui en font des personnages extraordinaires, médiatiques et médiatisés.
Christophe Colomb est parti à l’aventure un peu malgré lui, parce qu’il pensait rejoindre les Indes en utilisant un autre chemin, logiquement, puisque la terre est ronde.
James Kingston Tuckey remonte le fleuve Congo à travers un monde hostile. Joseph Conrad raconte cette histoire “Au Coeur des ténèbres”, un roman mettant en scène les atrocités que ce type « d’aventure » générait. Une aventure qu’Annah Arendt analysait comme un des facteurs “Aux origines du totalitarisme”.
On est loin des qualités dont manifestait Ulysse dans ce récit qu’on qualifie comme le poème fondateur de la civilisation européenne : intelligence, ruse, respect des rites de l’hospitalité, courage, compassion…
La microaventure
Jacques Brel, dans un texte plus léger, chantait, en 1958, “L’aventure commence à l’aurore ; Et l’aurore nous guide en chemin ; L’aventure, c’est le trésor Que l’on découvre à chaque matin”.
L’aventure, un voyage intérieur
C’est une conception qu’analyse plus scientifiquement Jean Viard, sociologue spécialiste du temps libre et directeur de recherche au CNRS “Depuis quelques années, on cherche moins une destination, qu’une expérience. Une partie du lointain a disparu au profit de la proximité avec soi-même. Car il s’agit avant tout de réaliser des voyages intérieurs”.
Le concept est très ambitieux. Il ne s’agit pas de partir à l’aventure mais de vivre de manière aventureuse. L’aventure est exceptionnelle. Il faut lui consacrer du temps et de l’énergie, de l’audace et de … La micro-aventure, puisque c’est ainsi que ça s’appelle, peut être vécu par tout le monde.
Conceptualiser la microaventure
Et ce n’est pas ridicule. Le Britannique Alastair Humphreys a été élu “aventurier de l’année 2012” par The National Géographic pour sa campagne visant à impliquer les gens ordinaires dans la microaventure. Question aventure, Alastair Humphreys en connait un rayon. En 2001, il quitte son domicile dans le Yorkshire pour y revenir en 2005, 4 ans plus tard après avoir parcouru 74 000 km à vélo. Depuis, il multiplie les aventures et les conférences tout en écrivant des livres sur ses passions.
En 2014, il publie “Microadventures” chez Harper-Collins. Sur un site documenté dédié à ce concept, il écrit “les micro-aventures offrent une évasion réaliste vers la nature sauvage, la simplicité et les grands espaces, sans avoir besoin de skier au pôle Sud ou d’aller vivre dans une cabane en Patagonie. L’attrait de la microaventure est qu’elle rend l’aventure accessible aux personnes qui peuvent avoir très peu d’expérience en plein air.”
Revisiter l’aventure avec la microaventure
L’aventure est ainsi revisitée. La microaventure comme une réponse grandissante aux besoins des sédentaires pour casser la monotonie de leur quotidien. Une formule, aussi, pour s’affranchir du tourisme de masse et de remettre du sens dans les voyages.
Ce qui est intéressant, c’est que l’aventure est aux portes de la maison. Tout devient terrain de jeu et d’exploration. L’expression “plein air”, peut-être trop désuète, est remplacée par celle, plus trendy, “outdoor”.
La microaventure en pratique
La plateforme Chilowé développe un modèle qui propose à leurs 30 000 fans des idées de micro-aventures. Les propositions sont pluridisciplinaires, une base de données alimentée par les lecteurs qui sont aussi les expérimentateurs de leurs circuits.
C’est ainsi que “Castor Fougueux” propose de “Faire le tour du lac d’Annecy à vélo”. Toutes les informations sur la page sont une mine pour s’organiser tout en permettant à chacun de conserver son autonomie, loin des spots parcourus par les touristes. On comprend également qu’il ne s’agit d’un simple tour à vélo mais d’une expérience qu’on peut enrichir par une recherche gastronomique, des visites culturelles.
Le vélo devient un art de vivre
Bref, le vélo n’est plus simplement un sport mais devient un art de vivre. Une façon, aussi, de découvrir les régions, de les valoriser.
Cette notion “ vélo – art de vivre” n’est pas évidente en France. La pratique du vélo est structurée à partir et autour de la compétition, les fédérations et les clubs. Pourtant, une tendance se développe qui va dans le sens d’une pratique moins axée compétition.
La technologie au service de la microaventure
De nouvelles technologies ont irrigué le monde du vélo. De nouvelles applications internet se sont développées en parallèle pour planifier les parcours, les rassembler sur des plateformes permettant le partage des circuits à leurs utilisateurs.
MOUNTNPASS développe depuis 2015 une plateforme dédiée au tourisme à vélo. La proposition est ambitieuse puisqu’il s’agit de rassembler sur un espace commun les plus beaux itinéraires vélo en France et en Europe.
On trouve sur le site plus de 8 000 parcours. La liste des parcours est alimentée par les membres (120 000) et des liens sont établis avec des offices de tourisme pour mettre en évidence le potentiel “cyclable” de leur destination.
Sur la base d’une large communauté, MOUNTNPASS valorise les territoires et leurs points d’intérêt tout en offrant une grande visibilité aux acteurs locaux qui souhaitent promouvoir et développer le tourisme à vélo.
La plateforme répertorie également des structures d’accueil “cyclist-friendly” et des offres d’activités proposées par des structures spécialisées.
La microaventure reste à vivre. Il suffit de sortir de chez soi et de se permettre nos désirs d’enfant : dormir sous la tente au fond du jardin…
Ou peut-être, aller un peu plus loin. De toute façon, n’héssitez pas à nous raconter votre aventure.
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