Les inégalités des primes dans le cyclisme entre hommes et femmes renforcent l’image d’un sport historiquement masculin qui peinent à faire de la place aux femmes. Fort heureusement de nouveaux courants puissants traversent l’univers du cyclisme qui tendent à modifier son organisation et diversifier les modes de pratique.
En ce début de semaine, la polémique a enflé. La championne du monde Anna van der Breggen (SD Worx) a reçu 930 € pour sa victoire à la classique Belge de l’Omloop Het Nieuwsblad 2021 alors que son homologue masculin, Davide Ballerini (Deceuninck-QuickStep), empoché la somme de 16 000 € . Ce qui représente 5% du price money des hommes.
[En fait, qu’est ce que le cyclisme féminin ?]
Inégalités des primes dans le cyclisme
Un telle différence ne peut que susciter l’indignation et relancer le débat et la pression sur les inégalités entre hommes et femmes dans le sport en général et dans le cyclisme en particulier.
La réponse de l’organisateur
Le PDG de Flanders Classics, l‘organisateur , Tomas Van Den Spiegel, répond à la polémique dans un message que l’on découvre sur Twitter lundi.
« Je suis assez déçu de toutes les réactions que nous recevons à propos des prix après tous les investissements financiers que nous avons continuellement faits dans le cyclisme féminin depuis des années maintenant ».
« Cette année seulement, environ six chiffres ont été investis pour faire monter la course d’une catégorie et devenir une première production télévisée. Si l’égalité de rémunération est tout ce que vous demandez, vous n’avez clairement aucune idée des défis auxquels le cyclisme féminin est encore confronté. Bien sûr, nous continuerons d’investir, nous essaierons de rester le moteur du changement et nous continuerons de faire pression pour l’égalité dans le cyclisme dans un proche avenir. «
L’Omloop Het Nieuwsblad au cœur de la polémique
Le circuit de l’Het Nieuwsblad existe depuis 1945. Une version ouverte aux femmes est organisée depuis 2006. Selon les propos de son PDG, la priorité de l’organisateur est de faire monter en gamme la course par un meilleur classement UCI et d’ouvrir l’événement à une couverture en direct de la course féminine.
Règlementation de l’UCI
Pour bien comprendre, il faut savoir que la dotation totale accordée à la course des femmes était de 4 660 €. Celle des hommes, de 40 000 €. Ces montants correspondent à la règlementation de l’UCI pour les épreuves de ce niveau : ProSéries Femmes et deuxième division WorldTour pour les hommes.
Van der Breggen a remporté une victoire en solitaire dans la course féminine de 126 km (1.Pro), devant Emma Cecile Norsgaard (Movistar), qui a remporté le sprint d’un peloton réduit, tandis que la coéquipière SD Worx de Van der Breggen, Amy Pieters, a terminé troisième. Quant à lui, Ballerini a remporté le 200,5 km masculin (1.WorldTour) devant Jake Stewart (Groupama-FDJ) et Sep Vanmarcke (Israel Start-Up Nation) dans un sprint groupé à Ninove.
Couverture médiatique
Pour la première année, la couverture de l’événement féminin se déroulait en direct. Il faut savoir que l’UCI, pour les courses de ce niveau, n’impose pas la diffusion en direct, comme c’est le cas pour les courses Women World Tour. Par exemple, le “Giro Rosa”, course à étapes, emblématique en Italie, a perdu son statut World Tour en raison de l’absence de couverture télévisée en direct.
Améliorer l’attrait des courses féminines
Cette diffusion en direct de la course féminine sans que ce ne soit obligatoire s’explique par la volonté de Flanders Classics d’augmenter l’attrait de cet événement auprès d’un plus large public et donc de susciter l’intérêt des sponsors.
Et ce fut le cas.
Des évolutions qui vont dans le sens de l’histoire
Daam Van Reeth, professeur à la faculté d’économie et de commerce de la KU Leuven, a souligné dans un message sur Twitter que l’audience de la télévision néerlandaise, NPO Start, un service de vidéo à la demande de la radiodiffusion publique néerlandaise, pour Omloop Het Nieuwsblad Elite Women était presque double l’audience de la course masculine. Ces chiffres comprenaient environ 330 000 et 21,5% pour les femmes et 170 000 et 18,6% pour les hommes. Ce qui est énorme.
Mais quoiqu’il en soit, la discussion sur l’égalité des prix lors des courses masculines et féminines est un sujet majeur que l’on ne peut plus éluder.
Primes égales au Tour de Grande-Bretagne
Certains organisateurs sont allés de l’avant et ont offert des prix égaux, sans que cela ne soit demandé. , SweetSpot qui organise à la fois le Women’s Tour et le Men’s Tour of Britain, propose à la course féminine une grille de prix équivalente à celle des hommes participants au Tour de Grande-Bretagne, soit 97 880 € en 2019.
Les courses de cyclo-cross sont à la pointe de la question de la parité.
Les prix de la coupe du Monde Cyclo-cross UCI sont désormais répartis à parts égales entre les vainqueurs masculins et féminins à 20 000 €. Les organisateurs du Telenet Superprestige et du Badkamers Trophy offrent également des prix égaux aux huit premiers et aux 15 premiers, respectivement. La championne du monde de cyclo-cross Lucinda Brand (Baloise Trek Lions) a gagné 25 000 € après avoir remporté le X²O Badkamers Trophy et 30 000 € pour avoir remporté la série Superprestige cette année.
Définir des priorités
Mais aujourd’hui, pour en revenir au débat, une partie de la discussion entourant les progrès du cyclisme féminin, se concentre sur la question de savoir si la diffusion en direct est plus importante que le prix en argent égal.
Dans le cas de l’Omloop Het Nieuwsblad de cette année, de nombreuses personnes se demandaient pourquoi l’événement ne pouvait pas offrir à la fois une diffusion en direct et des prix égaux, suggérant également que les prix des hommes et des femmes pourraient être mises en commun, puis réparties également entre les deux.
Sur ce point, il faut savoir que la grille de prix doit respecter les exigences fixées par l’UCI. En alignant la grille de prix des femmes sur celle des hommes, Tomas Van Den Spiegel déclare qu’il aurait fallu trouver un financement complémentaire de 180 000 €.
Paradoxalement, cette affaire arrive à point nommée pour mettre en évidence l’engagement de Flanders Classics pour mettre à niveau l’égalité de traitement des cyclistes femmes et hommes dans les épreuves que l’entreprise organise à savoir les Omloop Het Nieuwsblad, Gent-Wevelgem, Dwars Door Vlaanderen, Tour of Flanders, Scheldeprijs et Brabantse Pijl.
Closing the gap
Flanders Classics a un plan sur 4 ans appelé “Closing the gap” comprenant la diffusion en direct des épreuves femmes et la parité des grilles de prix. De plus, l’organisation cherche à remonter d’une catégorie au moins une course par an. Par exemple, l’Omloop Het Nieuwsblad Elite Women est passé de 1.1 à ProSeries, ce qui comprenait un investissement net en frais de 51 000 €.
La parole à Annemiek Van Vleuten
Dans cette affaire, on pourrait accorder la parole à une cycliste concernée par toutes ces dispositions. Annemiek Van Vleuten déclare dans une interview accordée à Cyclingnews en 2018 que les trois principaux domaine sur lesquels il fallait se concentrer, à son avis, étaient la couverture en direct des courses, l’alignement des courses femmes sur les courses world tour Hommes et des conditions salariales respectueuses des cyclistes femmes.
Elle indiquait, à l’époque, que s’il y avait des prix en argent, ils devraient être plus égaux par rapport aux terrains masculins, mais que les prix en argent, en soi, n’étaient pas la plus haute priorité dans la construction du professionnalisme du cyclisme féminin.
Ce qu’il faut retenir
Ces moments de crispation sont importants car ils permettent d’ouvrir l’horizon : pointer du doigt les inégalités mais aussi révéler ce qui se met en place pour favoriser les progrès.
Le cyclisme est un univers masculin, par tradition, par antériorité. La présence des femmes et l’augmentation des effectifs féminins bouleversent cette tradition et rend obligatoire des évolutions.
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