Le cyclisme s’est bâti sur un mythe : l’ascension de cols de montagne. Si aujourd’hui L’Izoard et Le Tourmalet, l’Alpes-D’Huez et Hautacam, Le Galibier et le Col de Marie-Blanque sont aussi connus, c’est parce qu’ils ont marqué l’histoire du cyclisme et du Tour de France. Alors, conseils pour monter un col à vélo.
Pourtant, monter un col à vélo relève souvent de la gageure. Parfois, les projets sont peu croyables et la réussite relève de l’exploit. Ici, nous allons tenter de bien comprendre ce que représente le fait de monter un col à vélo et donner des conseils pour aider celles et ceux qui veulent y réussir.
Monter un col à vélo et la physique
Nous avons voulu faire sérieux et documenter notre article par des références issues de “La physique mécanique” qui en disent longues sur ce qu’il faut maîtriser quand il faut monter des cols.
1 – Le poids : une variable majeure
La toute première variable à prendre en compte est tellement évidente qu’on aurait tendance à l’oublier alors qu’elle “pèse” à chaque instant au cours de l’ascension. Elle ne se fait jamais oublier. C’est le poids.
Même si de toute évidence, il est plus facile de dire “poids” plutôt que “masse”, c’est cette dernière expression qui désigne plus sûrement la “quantité de matière” composant un corps. Qu’on soit sur la lune ou sur la terre, dans l’espace, en apesanteur, la masse du corps du cycliste sur sa bicyclette est invariable.
Par contre, ce qui varie, c’est la pesanteur. Tout corps est soumis à son action due à l’attraction exercée par la terre. Ces forces sur le corps s’appelle poids. Le poids est donc une force qui met en relation la masse de l’objet et l’intensité de la pesanteur qui reste voisine de 9,81 N/kg sur notre planète.
Etude de cas pour monter un col à vélo
Cette première information a de l’importance pour nos deux femmes et cyclistes, Tamara et Lucie, qui se dirigent vers le point de départ de la montée de Hautacam.
Et c’est ainsi que nos deux cyclistes sont à l’arrêt, l’une et l’autre assise sur leur vélo. Tamara sur son Rose, l’ensemble représentant 67 kg et Lucie sur son Cube, 60 kg en tout.
Le poids de Tamara est de 657,27 Newton
→ 67 x 9,81 = 657,27 N
Le poids de Lucie est de 588,6 Newton.
→ 60 x 9,81 = 588,6 N
2 – Comment se répartit le poids
Pour monter un col à vélo, le poids a une seconde conséquence. Outre le fait qu’il pèse verticalement en direction de la route, l’inclinaison de la pente accentue les effets de la gravité sur le système “cycliste-machine”.
Dans un mouvement rectiligne, l’application au sol du poids du cycliste et de son vélo, à partir du centre de gravité, se fait entre les deux points de contact des roues avec le sol, à une distance “a” de la roue arrière et une distance “b” de la roue avant.
Le poids sur la roue avant se calcule : Poids total × a / (a + b)
Le poids sur la roue arrière se calcule : Poids total × b / (a + b)
Une fois les calculs effectués, on constate que le poids (en %) du couple vélo-cycliste porte sur la roue arrière
- à 58% lorsque les mains sont en haut du cintre,
- à 56% lorsque les mains sont sur les cocottes,
- à 55% lorsque les mains sont en bas du cintre.
Le poids pour monter un col à vélo
Lorsque la pente s’élève, 65% du poids pèse sur la roue arrière en raison du déplacement vers l’arrière de l’application au sol de la force de gravité.
Ces derniers éléments peuvent sembler factuels avant que l’on ne rappelle que le cycliste doit appliquer une force équivalente pour se déplacer. Une force qui lui permet de “motoriser” la roue arrière sur laquelle pèse 65% du poids.
3 – La notion de travail
Pour monter un col à vélo, le cycliste effectue un travail. Il doit mettre en mouvement le vélo et maintenir la vitesse tout au long de la sortie ou de l’ascension. En mécanique, on définit tout cela par “un mouvement s’exerçant contre une résistance, que celle-ci soit la pesanteur, un frottement, l’inertie…”. C’est le produit de la force par la distance.
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Pour en revenir à nos deux cyclistes, elles sont toutes deux en bas de la montée d’Hautacam : 14 km pour un dénivelé de 1 096 m.
Pour Tamara, la force à exercer pour se déplacer est de 720 KJ.
→ 657,27 x 1 096 = 720 072 J
Une calorie étant égale à 4,186 J, il y a donc 172 019 cal soit 172 Kcal
Pour Lucie, l’énergie nécessaire à cet effort est de 645 KJ.
→ 588,6 x 1 096 = 645 000 J
Ce qui donne 154 000 cal soit 154 Kcal.
La quantité de travail à effectuer pour mettre en mouvement le cycliste est plus importante quand le cycliste est plus lourd. La dépense d’énergie est co-relative également.
4 – Introduire la notion de puissance
Il est possible d’aller au sommet du col de différentes manières, plus ou moins vite. En mécanique, la notion de puissance est utile pour observer de quelle manière l’énergie produite va être transférée du corps du cycliste au mouvement du vélo sur la route. Ce transfert peut être plus ou moins rapide selon la vitesse du mouvement ce qui a des incidences immédiates sur la vitesse de déplacement.
La puissance est donc un débit d’énergie que l’on exprime par la formule suivante : Puissance = Travail effectué/intervalle de temps.
Elle s’exprime en watt (w). Un watt = un joule / seconde.
Nos deux cyclistes ont décidé de monter ensemble. Elles arrivent au sommet de Hautacam en 1h20.
Rappelons-nous que Tamara dépense 720 072 joules pour parvenir au sommet, tandis que Lucie, elle, en est à 645 000 Joules.
Pour parvenir en haut de Hautacam en 1h20, Tamara produit 150 W.
→ 720 072/4 800 = 150 W
Lucie quant à elle, pour le même exercice, produit 134 W.
→ 645 000/4 800 = 134 W
Si Lucie décide de produire 150 W tout au long de la montée, elle arrive au sommet en 1 h 11
→ 645 000/150 = 4 300 sec soit 1 h 11.
Toute accélération de vitesse provoque une production de puissance plus importante. Si Tamara veut suivre Lucie, elle doit produire 167 W.
→ 720 072/4 300 = 167 W.
La puissance et ses limites
Pourtant, l’augmentation volontaire de puissance a les limites que le corps humain, son métabolisme, impose aux aptitudes du sportif. Pour bien comprendre tout cela, prenons un exemple.
Pour s’amuser, Lucie décide de monter le premier kilomètre de la montée de Hautacam le plus rapidement possible. Elle y parvient en 2 min et 14 sec pour un dénivelé de 74 m. Le travail effectué pour y parvenir est de 43 556 Joules (10,4 Kcal)
→ 588,6 x 74 = 43 556 J.
Elle produit une puissance de 325 W.
→ 43 556/134 = 325 W
Si elle monte le même kilomètre en produisant 150 W, elle met 4 min 50 sec
→ 43 556/150 = 290 sec.
A 150 W, il lui est possible d’aller au sommet en 1h11, à une vitesse constante, fréquence cardiaque et essoufflement maîtrisés. A 335 W, elle termine ce kilomètre complètement épuisé et dans l’incapacité d’aller beaucoup plus loin.
5 – La loi de conservation de l’énergie
C’est peut être le moment d’introduire, cette loi dite “de conservation de l’énergie”. L’énergie totale de tout système isolé du reste de l’Univers reste constante, mais l’énergie peut être transformée d’une forme à une autre à l’intérieur du système. Ainsi, le cycliste produit de l’énergie par les mécanismes chimiques de son métabolisme et par la mise en jeu de son appareil locomoteur. Cette énergie libérée se transforme en énergie potentielle et/ou en énergie cinétique qui permettent de lutter contre la force gravitationnelle et les frottements.
Nous avons appris un peu plus haut que la puissance développée par un cycliste évoluait proportionnellement à la vitesse de déplacement. Nous savons également que la capacité d’un individu à produire l’énergie utile au déplacement dépend de son métabolisme, de sa capacité à consommer de l’oxygène, sa VO2Max.
Finalement, chaque individu ne peut produire que la puissance que son organisme lui permet. Ce qui signifie qu’il existe un niveau de puissance maximale pour chacun d’entre nous.
6 – Les limites individuelles du métabolisme
Tamara et Lucie ont réalisé des tests permettant de mesurer leur VO2max. Il ressort que la Puissance mécanique maximale atteinte au moment où elles parviennent à VO2 max est de 260 W pour Tamara et 325 W pour Lucie.
Sur ce point, les règles sont claires – et si on les a oubliées, la pente a tôt fait de les rappeler. Une augmentation de la vitesse d’ascension a des conséquences métaboliques : l’organisme n’est plus en mesure d’apporter l’oxygène dont le corps a besoin pour fonctionner ; s’ensuit une augmentation progressive de la lactatémie occasionnant un arrêt prématuré de l’activité. Globalement, la limite à partir duquelle l’acidification du muscle augmente se situe à 80% de la PMA. Ainsi, d’un point de vue métabolique, l’ascension d’un col se fait “confortablement” jusqu’à 80% de la PMA.
Le tableau ci-dessous réalisé à partir de l’échelle des intensités ESIE définie par F. Grappe situe les contraintes métaboliques de nos deux montagnardes.
On observe que :
- Lucie peut monter confortablement un col, sans se mettre dans le “rouge” , dans un intervalle de 260 à 276 W
- Tamara est à l’aise aux environs de 200 à 220 W.
Pour en revenir à Hautacam, la performance théorique de nos deux cyclistes pourrait être :
Pour Lucie, une performance comprise entre 39 min (276 W) et 41 min (260 W)
→ 645 000/260 = 2480 sec. ; 645 000/276 = 2337 sec.
Pour Tamara, une performance comprise entre 55 min (220) et 60 min (200 W)
→ 720 072/200 = 3600 sec ; 720 072/220 = 3273 sec ;
7- Le choix d’un braquet
La bicyclette est un objet technologique par excellence. La transmission de la puissance du cycliste est possible grâce à un système d’engrenage variable. C’est l’objet idéal pour moduler le transfert de puissance du cycliste à son déplacement.
Le braquet est le rapport entre le nombre de dents du plateau et le nombre dents de la couronne de la roue libre. A chaque tour de pédale, il est possible de mesurer la distance parcourue par le vélo. On mesure, ainsi, le développement en multipliant la circonférence de la roue par le braquet utilisé. (Développement = Br x 2 ? r). La longueur mesurée est le résultat concret de l’effort du cycliste.
Par exemple (roue de 700 pneu en 23) :
–> un braquet de 34/30 permet de parcourir 2,42 m par rotation de pédalier.
–> un braquet de 50/11 permet de parcourir 9,70 m par coup de pédale.
Dans le tableau ci-dessous, nous allons nous employer à définir quels sont les braquets qu’il est possible voire souhaitable d’utiliser pour atteindre le sommet d’Hautacam en fonction du profil métabolique de nos deux cyclistes.
Ce tableau est intéressant car il nous apprend que pour un braquet identique, une accélération de la fréquence de pédalage permet d’accélérer le déplacement et de réduire le temps pour monter un col à vélo.
8 – La fréquence de pédalage
La fréquence de pédalage doit être compatible, avec le fonctionnement des muscles, en ayant un débit d’énergie compatible avec ses capacités. C’est ce que nous examinons dans ce huitième point.
Répétons le constat : Plus la force à appliquer est grande, plus le mouvement est lent. C’est ce qui se passe si Tamara veut utiliser un braquet de 42/25. La force à exercer est si importante qu’elle doit réduire la fréquence de pédalage.
Il va donc y avoir, chez le cycliste, un compromis entre la force appliquée sur la pédale et la fréquence de pédalage, grâce à l’utilisation judicieuse des braquets qui permettent de tirer le meilleur avantage possible de la relation entre force et rapidité.
On a mesuré en laboratoire les effets de la fréquence de pédalage sur la consommation d’oxygène. Il s’avère que pour une puissance donnée, il existe une ƒp « idéale » permettant de minimiser la consommation d’oxygène. Cette fréquence idéale se situe aux alentours de 40 à 60 tours de pédalier par minute (tpm) chez des cyclistes peu entraînés. Elle est plus élevée chez des cyclistes bien entraînés, de l’ordre de 60 à 80 tpm
Chez les coureurs, la fréquence de pédalage spontanée est toujours plus élevée que la fréquence idéale, notamment en cas de charge de travail importante. Tout ceci s’expliquerait par la nécessité de privilégier l’abaissement des contraintes musculaires, quitte à augmenter le coût métabolique.
En conclusion, on peut dire qu’il y a une plage optimale des fréquences de pédalage entre deux limites (figure 14.11). La limite basse est constituée par les contraintes périphériques, notamment musculaires, et se situe aux alentours de 40 à 50 tours de pédalier par minute. La limite haute est imposée par la sollicitation cardio-respiratoire et par la difficulté d’une bonne coordination motrice.
Ainsi, pouvoir et savoir monter un col à vélo est sous l’influence de nombreux facteurs qu’un cycliste doit maîtriser pour arriver au sommet.
Retrouvez l’aventure des 10 femmes en jaune au sommet du col de Portet.
Superbe article claire et explicite
Merci !!
Bravo pour cet article! Claire et précise!