“Les femmes sont-elles plus endurantes que les hommes ?” Une bonne question, vraiment ?

Dans le cadre de ses études à l’ENS de Lyon, Adrienne Estrada mène des recherches en philosophie du sport. Dans le texte suivant, elle nous amène à nous interroger sur la pertinence de certaines questions récurrentes dans les domaines des sports d’endurance : “qu’en est-il de l’endurance des sportives ?” “Est-il opportun de comparer l’endurance des femmes à celle des hommes ?”

Courtney Dauwalter et Camille Herron ont remporté le “Desert Solstice” (une course de 24h où le but est de parcourir la plus grande distance possible en course à pied) devant des hommes. Pam Reed a remporté trois fois l’ultra marathon Badwater, là encore devant des hommes. Emilie Forsberg est arrivée deuxième au général de la GlenCoe Skyline… Ce serait bien la preuve que dans les épreuves sportives qui ne mettent pas en jeu la puissance ni la force mais seulement l’endurance, les femmes peuvent rivaliser avec les hommes, voire les dépasser.

Les femmes sont-elles donc plus endurantes que les hommes ? La question est régulièrement évoquée dans le milieu des sports d’endurance, pour être immédiatement débattue. On voudrait bien le croire pourtant : pour une fois qu’il est question d’avantages des femmes en matière de sport !
Malheureusement, on trouvera autant d’articles qui soutiennent que les femmes sont plus endurantes que les hommes que l’inverse.
Mais cette question est-elle vraiment la bonne ? Loin d’être anodine, est-ce qu’elle ne reproduit pas en fait certains biais sexistes, sous couvert de valoriser les femmes ? Regardons un peu d’où elle vient, et quels arguments sont utilisés pour y répondre…

Le travail est un peu technique et n’est pas totalement exhaustif, mais l’objectif est de vous donner tous les éléments pour que vous puissiez au moins vous méfier la prochaine fois que vous entendrez cette question… Alors, en piste.

Endurance des femmes : vont-elles dépasser les hommes en matière d’endurance ?

Avant toute chose, l’idée que les femmes peuvent ne serait-ce que participer à des épreuves d’endurance sans que ce ne soit dangereux pour leur santé est extrêmement récente. Alors que le marathon, sous sa forme moderne, est né à la fin du XIXème siècle, ça ne fait que cinquante ans tout juste que les femmes ont, pour la première fois, été officiellement autorisées à participer à l’épreuve reine de la course à pied. C’était en 1969 à Boston (et le marathon féminin n’est devenu discipline olympique qu’en 1984…). C’est aussi au cours des années 1970 que naissent les épreuves d’ultra-endurance, qui défendent un certain état d’esprit : tout le monde peut prendre le départ de ces courses, sans distinction de niveau (professionnels ou amateurs, débutants ou confirmés), d’âge… ou de sexe.
Les femmes, à défaut d’être bienvenues dans ces épreuves, n’en étaient au moins pas exclues. Les courses sont mixtes, même si un double système de classement est opéré : le classement « au scratch » donne le classement général au temps d’arrivée alors que les vainqueur·es des épreuves sont désigné·es relativement à leur catégorie de sexe et d’âge dans le but, semble-t-il, de maintenir une forme d’équité.

endurance des femmes

Or, à partir du moment où les femmes furent officiellement autorisées à participer à ces courses d’endurance, les records furent très rapidement améliorés et l’écart entre les temps masculins et féminins eurent tendance à se réduire. Chez les hommes, le record établi en 1969 par Derek Clayton (2 h 08 min 33 s) ne fut amélioré que d’une poignée de secondes en 1981 par Robert De Castella. Chez les femmes en revanche, Caroline Walker courut un marathon en 3h02 en 1970, Grete Waitz mit une demi heure de moins huit ans plus tard. La progression entre chaque course était donc gigantesque.

Cette évolution conduisit B. Whipp et S. Ward à conclure, dans une étude publiée dans Nature en 1992, que les femmes en viendraient à dépasser les hommes en épreuves d’endurance – et a fortiori dans les épreuves d’ultra endurance. A partir de la simple analyse statistique de l’évolution des performances de course, on pouvait voir que les records masculins avaient tendance à se tasser alors que les records féminins étaient très fortement améliorés : on pouvait donc prédire que les courbes allaient se croiser et que les performances féminines allaient dépasser celles des hommes ! Et plus la distance augmentait, plus les écarts étaient réduits rapidement. D’où l’idée que plus l’endurance entrait en compte dans les épreuves sportives, plus les femmes étaient avantagées.

L’argument peut paraître rapide et bancal, mais cette cette étude a fait date. Toute une littérature scientifique se préoccupe, aujourd’hui encore, de discuter cette affirmation – le plus souvent pour arriver à la conclusion qu’en fait les femmes ne vont pas dépasser les hommes. Tout va bien, nous voilà rassuré·es… Mais deux types de travaux s’attachent à le démontrer. Ceux qui utilisent les mêmes matériaux que B. Whipp et S. Ward (l’analyse statistique des résultats de courses d’endurance et ultra-endurance). Ceux qui se situent sur le terrain physiologique et recherchent ce qui, dans la différence physiologique entre les hommes et les femmes, avantage ou non les femmes en matière d’endurance.

Le critère de “sex difference” : l’analyse des performances de course

Une inquiétude scientifique

La conclusion de l’article de 1992 était apparemment assez étonnante pour qu’on éprouve encore le besoin de prouver que « les femmes ne vont pas dépasser les hommes » en le démontrant par les résultats de courses précises. Les titres de ces articles donnent l’impression d’une véritable inquiétude. « Les femmes peuvent-elles dépasser les hommes dans les courses d’ultra-marathon ? » (Bam et alii, 1997), « Les femmes vont-elles surpasser les hommes en nage en eaux vives au « Maratona del Golfo Capri-Napoli ? » » (Rüst et al., 2014), « Les femmes vont-elles dépasser les hommes dans les courses d’ultra-marathon, de 50 à 1 000 km? » (Zingg et al., 2014).

Chaque fois, la méthode est la même : il s’agit de comparer un à un les résultats du top 10 masculins et féminins (1er homme/1ère femme, 2ème homme/2ème femme etc.) sur une même course et d’obtenir ainsi un ratio de “sex difference”. Ensuite, on compare cette “sex difference” sur plusieurs années pour voir si elle a tendance à se réduire ou non. Dans la plupart des cas, elle reste stable : on conclut donc que l’écart entre les performances masculines et les performances féminines n’a pas tendance à se réduire.

Les problèmes méthodologiques

Le problème est que les choix de méthode ne sont pas explicités.
Pourquoi ne prendre en compte que les dix premiers par exemple ? Or, parfois, changer d’échantillon conduit à des résultats tout à fait opposés. Dans l’article « Will Women outrun men in ultra-marathon road races from 50 to 1 000 km ? », les auteurs comparent la vitesse moyenne tenue par les femmes et par les hommes dans les épreuves d’ultra distance en fonction des distances. Or, dans le cas de l’épreuve de 200 km, au niveau du top 10, la vitesse moyenne des femmes est de 2km/h inférieure à celle des hommes. En revanche, si on prend en compte l’ensemble des finishers, les femmes ont une vitesse moyenne plus élevée que les hommes. Mais puisque la méthode est de comparer l’évolution de la “sex difference” du top 10, les auteurs peuvent tranquillement conclure que les femmes ne vont pas dépasser les hommes…Alors que c’est déjà le cas.

Le seul critère de la différence des sexes est insuffisant.

Aussi, ils ont conscience que le seul critère de la différence des sexes est insuffisant. Ils tentent donc de comparer les performances d’athlètes ayant obtenu le même rang mais ayant aussi un volume horaire d’entraînement égal sur l’année écoulée avant la course. Mais encore une fois, qu’est-ce qui fonde un tel critère ? Est-ce le même entraînement de cyclisme si, en une heure, on parcourt 19 ou 32 kilomètres ? Et, même si on prend le nombre de kilomètres parcourus en une année et non pas le nombre d’heures d’entraînement, n’y a-t-il pas une profonde différence entre deux athlètes qui parcourent 8 000 km par an si l’un·e pratique le cyclisme depuis 15 ans et a déjà participé à des épreuves d’ultra-distance, et l’autre vient à peine de débuter le cyclisme ?

Ou encore : ne faut-il pas tout simplement rappeler que des femmes dépassent déjà des hommes dans les épreuves d’endurance et d’ultra endurance en se plaçant devant certains aux classements par scratch ? Que Paula Radcliffe, actuelle détentrice du record féminin sur un marathon, est plus rapide que de nombreux hommes qui étaient, de leur temps (dans les années 60) , les hommes les plus rapides sur une telle distance ? Nous nous excuserions presque de ce truisme si seulement ce fait était plus souvent rappelé. Ce n’est pas le cas. L’hypothèse la plus généreuse sur un tel silence que la question que soulève ces articles, celle de savoir si les femmes vont dépasser les hommes, est mal posée.

En plus de ces lacunes méthodologiques, on croise aussi de belles pépites dans ces articles. Un exemple, anecdotique mais savoureux : dans le cas de l’étude sur le Marathon del Golfo Capri-Napoli, les auteurs nous expliquent que puisque la course est mixte (malgré des classements séparés), les femmes peuvent profiter du drafting (abri aérodynamique en se plaçant dans la trajectoire d’un·e autre athlète) et ainsi préserver leur énergie en nageant avec les hommes plus rapides. Bizarre, que l’inverse soit possible n’est même pas évoqué…

Bref, une voie a donc été suivie par quelques personnes inquiètes – et sans doute de mauvaise foi – pour prouver, contre l’étude de 1992, que les femmes n’allaient pas dépasser les hommes, même dans les épreuves d’endurance. Répondre aujourd’hui à la question de savoir si les femmes sont plus endurantes que les hommes, c’est d’abord se demander si, à l’avenir, les femmes vont dépasser les hommes dans les épreuves sportives. Mais pourquoi une telle prédiction est-elle si importante ? Pourquoi ne pas laisser les choses se faire – ou non ? Une telle perspective est-elle si inquiétante et dérangeante ?

Cette polémique pourrait sembler inutile et précieuse. Pourtant, le débat de savoir si les femmes sont plus endurantes que les hommes naît dans ce contexte, et ce n’est qu’à titre de justification qu’on cherche ensuite des différences physiologiques entre les sexes qui expliquent la différence de performance entre les hommes et les femmes en matière d’endurance.
Voyons comment cela se passe.

L’explication biologique :
« les femmes sont-elles mieux armées pour l’endurance ? »

Une autre manière de soutenir que les femmes sont plus endurantes que les hommes consiste à mettre en avant des différences physiques ou physiologiques indépassables entre les sexes, et de montrer que ces différences ont des conséquences sur l’endurance, c’est-à-dire la capacité à maintenir un effort d’une certaine intensité dans la durée. Quelles sont ces différences invoquées, et comment le sont-elles ?

Endurance musculaire et endurance

Régulièrement, l’affirmation selon laquelle les femmes sont plus endurantes que les hommes s’appuie sur des études qui démontrent que les femmes ont une meilleure endurance musculaire que les hommes. Celle-ci est calculée sur la répétition d’un même mouvement dont on calcule la vitesse et l’amplitude, et la réduction de ces facteurs au fur et à mesure des répétitions.

Une première étude , effectuée sur un échantillon très restreint de personnes non sportives, démontre que (1), pour le mouvement de la flexion plantaire (qui avait pour avantage selon les auteurs d’être un mouvement « naturel » car impliqué dans le mouvement de la marche), les hommes qui ont participé à l’étude avaient tendance à effectuer des mouvements plus amples et plus rapides au départ, mais plus réduits et plus lents au bout de 200 répétitions : ils se fatiguaient plus vite. Au contraire, l’amplitude et la vitesse de mouvement des femmes étaient moins importantes mais étaient plus stables au cours des répétitions : les femmes se fatiguaient moins, leur endurance musculaire était plus importante. Mais est-ce leurs muscles ne se sont-ils pas moins fatigués parce que le mouvement était moins puissant au départ, et que l’effort était moins intense ? Est-on bien en train de calculer la différence d’endurance (la capacité à résister à la fatigue) si la fatigue n’est pas la même ? Est-ce que cette étude démontre vraiment une différence physiologique, une différence de comportements entre les hommes et les femmes dans la gestion des efforts et de la puissance mise en jeu au départ ? L’article ne pose même pas la question.

Une seconde étude, menée par John Temesi (2) , a au moins l’avantage d’être conduite sur des participant·es à l’Ultra Trail du Mont Blanc – épreuve sportive s’il en est, sur une temporalité plus longue (trois semaines avant la course, puis juste après l’effort) et de travailler sur deux mouvements (la flexion plantaire et les flexions du mouvement du genou). Or si les résultats confirment la première étude à propos de la flexion plantaire, aucune différence signifiante entre les hommes et les femmes n’est observée en ce qui concerne le mouvement de la flexion du genou.

Si les épreuves d’endurance se réduisaient simplement à une question d’endurance musculaire, sans considération du facteur mental, de la gestion de la course etc., cela se saurait. Mais, même en concédant que l’endurance musculaire soit le seul facteur d’endurance générale, il serait quand même abusif de conclure que les femmes sont en général plus endurantes que les hommes, puisque cela n’est même pas le cas pour deux mouvements différents…

Les autres facteurs : la compensation d’un déficit initial

D’autres articles (en fait, la majorité) présentent les choses un peu différemment : les hommes seraient plus endurants que les femmes – notamment en raison d’un VO2 max plus élevé, qui est le facteur d’endurance considéré comme le plus important – mais les femmes bénéficieraient de quelques autres avantages physiologiques qui viendraient combler ce déficit initial. Et plus on augmenterait la distance des épreuves, plus ces facteurs compensatoires prendraient de l’importance, et finiraient par avantager les femmes.

Parmi ces facteurs compensatoires, on note :

  1. La résistance à la fatigue musculaire, vue plus haut.
  2. Une différence de métabolisme, qui fait que les femmes, qui ont une proportion de masse graisseuse plus importante que les hommes, ont une utilisation préférentielle des lipides, ce qui retarde l’utilisation des réserves de glycogènes pour produire de l’énergie. Or, les efforts réalisés avec des réserves de glycogène réduites entraînent une plus grande dégradation du muscle.
  3. Une « meilleure tolérance gastro-intestinale », alors que le nombre d’abandons, notamment en course à pied, sont liés à des troubles gastriques.
  4. Une « influence positive des oestrogènes », qui offrirait une protection contre les dommages musculaires (Laurent Boyer, 2011).
  5. Dans le cas spécifique des épreuves de natation en eaux vives, il est fait mention de la masse adipeuse plus importante chez les femmes, ce qui favoriserait la flottaison et donc produirait un avantage dans les épreuves d’endurance.

Ces facteurs, des destins biologiques ?

Nous admettons volontiers que nous ne sommes pas biologistes, donc nous ne contesterons pas l’importance de ces facteurs pour établir une performance en endurance. La question n’est pas non plus de nier une différence biologique entre les hommes et les femmes, ni de savoir d’où elle vient. On peut en revanche s’interroger sur le fait que la différence des sexes soit la seule explication de différences entre les individus. Tous ces facteurs ne varient-ils pas non seulement en fonction du sexe mais aussi en fonction de l’environnement, de l’entraînement etc., parfois de manière beaucoup plus signifiante ?

Le VO2 max
La différence de VO2 max (volume d’oxygène maximum, soit la quantité maximale d’oxygène que le corps consomme pendant l’effort) entre les hommes et les femmes est une différence moyenne qui s’explique par une différence sexuée de taux moyen d’hémoglobines par décalitre de sang (qui transportent l’oxygène). Ce taux se situerait entre 13,6 et 17,5 pour les hommes, entre 12 et 15,5 pour les femmes. Mais c’est une fourchette : même en restant dans cette moyenne, cela veut dire qu’il y a des hommes qui sont à 14, et des femmes à 15… De la même manière, des femmes ont un VO2 max plus élevé que celui de certains hommes, sans que ce soit anormal !

Aussi, si le VO2 max reste à peu près stable à partir de l’adolescence, il y a néanmoins certains facteurs environnementaux qui peuvent l’augmenter. C’est bien sûr le cas de l’altitude (un séjour de trois semaines à 4 000 mètres augmente d’environ 20% le taux d’hémoglobines) mais aussi de l’entraînement – foncier ou fractionné, qui peut faire augmenter le VO2 max de 15 à 30%.

Donc si la différence des sexes joue bien un rôle dans la différence de VO2 max, cela ne concerne que les moyennes, et ce n’est pas le seul critère de différenciation entre les individus. On n’a pas nécessairement un VO2 max plus élevé parce qu’on est un homme.

La différence de métabolisme : l’utilisation préférentielle des lipides chez les femmes
La différence des sexes expliquerait aussi une différence au niveau du métabolisme. Celui des femmes conduirait à une utilisation préférentielle des lipides, celui des hommes à une utilisation préférentielle des réserves de glycogène. Mais l’intensité de l’effort détermine aussi ces utilisations préférentielles : un effort moins intense conduit à utiliser des lipides alors qu’un effort plus intense conduit à entamer les ressources de glycogène.
Or, si on observe que les femmes ont une vitesse moyenne générale plus faible que celle des hommes mais qu’elles sont capables de maintenir plus longtemps, comment s’assurer que l’utilisation préférentielle des lipides est uniquement liée à leur sexe, et non pas au fait qu’elles fournissent un effort moins intense ? Le problème est le même que dans le cas des mouvements de la flexion plantaire : comment déterminer si la différence de métabolisme lors de l’effort est entièrement liée à la différence des sexes, et non pas à une gestion différente des efforts ?

L’influence des oestrogènes

Concernant l’influence des œstrogènes, qui offrirait une protection musculaire : notons d’abord que les hommes aussi ont des œstrogènes, quoique en moyenne leur taux soit moins élevé que le taux moyen des femmes. Si cette protection musculaire constitue un réel avantage en matière d’endurance, faut-il considérer que les hommes les plus avantagés sont ceux qui ont un taux d’oestrogène plus élevé ?

Aussi, si l’endurance est d’autant plus travaillée à l’entraînement par des efforts effectués sur des muscles déjà travaillés, est-ce qu’il ne faut pas prendre en compte que pour obtenir le même résultat chez un homme et chez une femme, il faudra, pour la sportive, atteindre une intensité d’effort plus élevée que pour le sportif, afin d’atteindre le même niveau de fatigue musculaire ? Par là même, à entraînement égal (non seulement en termes de volume horaire mais d’exercices effectués), l’effet ne sera pas le même. Inversement, l’exercice intense et répété entraîne une baisse du taux d’oestrogène, y compris chez les femmes. Finalement, ne faut-il pas baisser l’intensité des exercices pour préserver cet avantage apparemment naturel ? Ça devient bien complexe cette histoire…

Que compare-t-on quand on compare les hommes et les femmes ?

Ainsi, les traits physiologiques présentés comme des « avantages féminins » en matière d’endurance peuvent bien être des facteurs biologiques naturels produits par la différence de sexes. Mais des variations liées à des différences d’environnement, d’histoire individuelle, d’activité physique exercée depuis l’enfance, d’alimentation etc. viennent s’ajouter à cette différence initiale. Notre alimentation, notre histoire individuelle, notre activité physique, bref, toutes ces différences sont socialement construites, donc peuvent faire intervenir des stéréotypes de genre, qui viennent renforcer des différences biologiques initiales, mais passons. En tout cas, en raison de ces variations, une femme avec VO2 max assez élevé, un bon entraînement et vivant en altitude, largement plus endurante que beaucoup d’hommes.

Pour pouvoir comparer les hommes et les femmes en matière d’endurance, il faudrait donc comparer un homme avec un VO2 max le plus élevé possible avec la femme au plus haut VO2 max possible et que les deux aient un entraînement exactement égal et vivent dans les mêmes conditions, à la même altitude etc. Mais ces facteurs (l’altitude, l’exercice physique, l’alimentation) jouent dès l’enfance : il faudrait donc qu’ils aient mangé exactement la même chose, qu’ils aient pratiqué exactement les mêmes activités etc. Ou, si les effets de l’entraînement ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes, il faudrait qu’on arrive à calculer cette différence exactement pour leur faire suivre des entraînements à effets égaux.

Cela n’est évidemment pas possible, ni même souhaitable, mais cela confirme que nous sommes dans une parfaite abstraction lorsque nous voulons comparer les hommes et les femmes dans l’absolu.

Conclusion

Encore une fois, nous ne nions pas qu’il y a des différences biologiques entre les hommes et les femmes, qui peuvent jouer dans les capacités d’endurance mais ces différences ne sont pas les seules – et peut-être pas les principales. Or se demander qui des femmes ou des hommes a la meilleure endurance (même pour défendre un prétendu avantage des femmes en la matière), c’est en fait réduire l’individu à son sexe sans prendre en compte les autres facteurs de différence. C’est donc procéder à une essentialisation : on suppose que les différences entre les hommes et les femmes sont biologiquement fixées et immuables, et que le sport ne fait que les développer et les exprimer. Or cette essentialisation est au coeur du sexisme, qui affirme une supériorité des hommes sur les femmes en s’appuyant sur cette différence biologique. Ou plutôt, elle en est le préambule. Mais la porte vers le sexisme est dès lors grande ouverte.

1 Amelia C. Lanning, Geoffrey A. Power, Anita D. Christie, Brian H. Dalton, « Influence of sex on performance 1 fatigability of the plantar flexors following repeated maximal dynamic shortening contractions » in Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism, 2017, 42 (10), 1118-1121,10.1139/apnm-2017-0013
2 – J. Temesi et alii, « Are Females More Resistant to Extreme Neuromuscular Fatigue ? », in Medicine and science in 2 sports and exercise n° 47 (7), octobre 2014

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